Les échos d’un commercial à Grenoble de 1956-1967.

COMMERCIAL A GRENOBLE – 9° Episode – SOGREAH

 

Contrairement à ce que raconte le B-GE FLASH ci-joint, je n’ai eu aucune part à la signature du GE 635 de Sogreah (Société Grenobloise d’Applications Hydrauliques), filiale de Neyrpic. C’est Kampf qui a tout fait, avec l’aide de quelques parisiens.

 Cependant, je suivais depuis longtemps ce client IBM, le plus important de la région, avec, en dernier lieu, son IBM 7.070 de 1961. Sogreah était le bureau d’études de Neyrpic, entreprise grenobloise déjà très médiatique, spécialisée dans les turbines pour centrales hydrauliques ; elle avait été filialisée sous ce nom en 1956, l’année de son IBM 650. Son PDG était, je crois, Sauvage de Saint-Marc.

Photo de René CLARET aux commandes de l’IBM 650 de SOGREAH vers 1958.

 

De même que l’Institut Polytechnique de Grenoble était à l’époque écartelé entre le calcul numérique (Kuntzman) et le calcul analogique(Namian), Sogreah était écartelée entre les modèles dits « physiques » (des maquettes d’estuaires ou de fleuves de plusieurs dizaines de mètres carrés), et les modèles mathématiques du Département Scientifique, sous la direction de Francis Biesel.

 Cette rivalité à deux niveaux, internes et externes, car en plus Kuntzman et Biesel étaient en concurrence d’une part pour le business et d’autre part pour la notoriété, était très intéressante à observer, mais on n’en voit aucune trace malgré mes recommandations, dans la thèse de Cyrille Plenet sur « L’Histoire de l’Informatique à Grenoble et de ses Apports à l’Industrie » (1996).

 Or, avant que Biesel ne commande son 7.070, j’avais essayé de lui faire prendre un Gamma 60, et je l’avais conduit à Vaujours où il y avait un Gamma 60 scientifique. Je n’y ai pas réussi, mais la conversation entre deux grands ingénieurs avait été particulièrement intéressante ; l’interlocuteur de la D.A.M. avait cru conclure en disant en substance : 

     ·         « En fait nous avons le même problème de calcul [le détonateur de la bombe H et le calcul de l’estuaire de la Rance], seule l’échelle de temps est différente ».

Mais Biesel lui avait répondu :

·         « Oui, mais vous, vous n’avez pas un rocher en plein milieu qui casse la propagation de l’onde… ».

 Ensuite, en 1965 je crois, Kampf et moi avons réattaqué sur le GE 600, jusqu’au jour où je lui ai dit (je l’avais oublié, et c’est lui qui me l’a raconté bien longtemps après) :

     ·         « Moi je n’y arriverai plus, continue tout seul ».

 La suite, ce fut lui.

 Je ne suis pas sûr qu’il ait fait le voyage à Phoenix mais c’est très probable, en tout cas il a fait le voyage en Suède à l’ASEA, avec Buck, peut-être avec Marguerite (avec un t ou deux t ?), et surtout avec un nommé Charlie White, expert GE en Fortran.

 Les ingénieurs de Sogreah avaient apporté un programme Fortran, qui s’est tout de suite planté sur la machine de l’ASEA, et White avait non moins vite trouvé l’erreur dans le compilateur, ce qui avait fort impressionné tout le monde. L’action commerciale de Kampf, et son action tout court, avaient été remarquables, mais moi je n’ai fait qu’y assister.

 Nous étions donc euphoriques, nous Bull et le client, quand nous apprenons en septembre ou octobre, le retrait par GE de la série GE 600, dont la décision avait en fait été prise en juin pour cause d’insuffisance du système d’exploitation GECOS 1.

 Et en novembre, je crois, Maxime Bonnet, peut-être avec Michel Jalabert (ils étaient deux) est venu négocier avec Biesel l’annulation de la commande. Je crois qu’il avait apporté un chèque de 2,5 MF pour bien se faire comprendre.

 Biesel ne s’était jamais plaint du GECOS, ni du Fortran, et, connaissant bien les problèmes, se voyait très bien participer à leur résolution.

 Naturellement, il n’en a jamais été question. 

José BOURBOULON, le 15 juin 2003.

 

 

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