Les échos dun commercial à Grenoble de 1956-1967.
Suite des épisodes précédents de José Bourboulon.
COMMERCIAL A GRENOBLE 1956 - 1967 ( 6° épisode ).
Il est relativement facile de se rappeler les dates ou les périodes des évènements positifs, tels que les succès commerciaux. Mais il est plus difficile de dater, même approximativement, les affaires ratées. Par exemple, BOURGEAT aux Abrets. Les Abrets, cest un gros village dans les Terres Froides du bas Dauphiné. En quelle année ai-je échoué à vendre un équipement à Monsieur Bourgeat, fabricant de casseroles ? Je ne me le rappelle plus, mais ce dont je me souviens bien, cest de la séance avec ses " cadres ", dans une salle de réunion plutôt minable, et avec des employés genre contremaîtres respectueux du patron : aucun na ouvert la bouche pendant la réunion, y compris quand Monsieur Bourgeat, mayant présenté et ayant annoncé sa décision dacheter des machines à cartes perforées, a ajouté tranquillement à leur adresse : " Et si vous ny arrivez pas, je vous les couperai ". Monsieur Bourgeat ma ensuite invité à déjeuner chez lui, sa femme était magnifique, quel contraste ! Il na jamais signé, et il paraît que cette entreprise existe toujours et fabrique des merveilles.
Pourquoi, dans le secteur 83 tout au moins, avons-nous réussi dans les Mutualités Sociales Agricoles (sauf à Grenoble), et échoué dans les Caisses Régionales de Crédit Agricole ?
Cest Artru qui avait signé la M.S.A. dAnnecy - directeur M.Gour - et moi qui ai signé celle de lArdèche à Privas, avec M.Fargier ( ?), qui venait en droite ligne de la Caisse Centrale où il passait pour un spécialiste de la carte perforée. Jarrive un jour à son bureau, et il venait de dessiner le modèle de mandat-poste pour le mandatement des prestations à faire en continu sur la T.A.S. ; pour indiquer le détail des prestations, il ny avait que le petit volet de correspondance situé à gauche du mandat, qui ne faisait que quatre ou cinq colonnes en largeur : il avait donc prévu de les faire imprimer par la tabulatrice dans lautre sens, à la verticale !
Deux commerciaux lyonnais de choc : Yannick Geffray & Robert Thoral (1962) |
A la Compagnie, le signor Vitali était chargé avec Louis Orsini du secteur agricole ; jaimais beaucoup travailler avec eux car ils étaient de très gros travailleurs et connaissaient très bien leur marché et les applications. Pour la M.S.A de Chambéry, Vitali avait monté un cinéma amusant. Le directeur voulait être livré tout de suite, ce qui ne posait pas de problème sauf pour les Pelerod C.V. Depuis le bureau dudit directeur, M.Arago, Vitali appelle le " Bureau des Affectations ", quil avait sûrement prévenu, et explique en parlant très fort avec son vigoureux accent corse limportance capitale pour Bull de cette commande, et ça a évidemment réussi. Nous signons donc le contrat, et Arago nous invite alors à déjeuner au Bourget-du-Lac (Apremont, Saint-Amour, et pousse-café !), non sans un long arrêt à Chambéry pour lapéritif. Le repas a duré jusquà quatre heures et demie, et en sortant je me suis écroulé dans un champ ! Comment Vitali et Orsini se répartissaient-ils les clients ? Je ne lai jamais su, mais ils ne se marchaient pas sur les pieds. En tout cas nous avons raté toutes les Caisses de Crédit Agricole du secteur : Annemasse, Chambéry et Valence, alors que celle de Grenoble était en IBM déjà avant mon arrivée.
Cest aussi en 1962 ou 1963 quun équipement Bull est arrivé à lEcole Catholique dApprentissage à Annecy, sans que je ny sois pour rien. Je nen parlerais pas si navait été envoyé en même temps depuis les Vinaigriers un " instructeur " chevronné en la personne de Fernand Pasquier, actuel patron de Sopra. Pasquier, qui na été intégré que plus tard à mes effectifs, a fait un travail remarquable chez les clients savoyards, et lEcole en question a été ensuite la pépinière de Sopra. Jai dailleurs presque toujours eu de remarquables techniciens de mise en route. Je dis un jour à Lagoutte quil lui faudra bien trois semaines pour réaliser telle application à la S.N.R. en BS-Gamma, et il la faite en trois jours ! Une autre fois, plus tard sans doute, Odin a réussi à reconstituer tous les registres du Gamma 30 du C.E.N.G. après quun visiteur imbécile se fût assis sur le pupitre de cet ordinateur qui navait ni écran ni machine à écrire ! Et Courbez, Gojon, Bourbon, Bez, qui ont réussi je ne sais combien de démarrages difficiles dinstallations petites et moyennes Jétais vraiment favorisé.
Je létais encore plus avec mon " adjoint " Serge Kampf. Comme je lai déjà écrit, jai mis un certain temps à men apercevoir, mais il nous a tous bluffés. Par exemple, il est alerté indirectement, un jour de 1963, par la vantardise de quelquun dIBM qui prétendait avoir signé avec Péchiney à Chedde. Il décide dy aller, et je lui fournis alors les deux noms que javais dans mon fichier : lun était mort, lautre avait été muté. Il trouve quand même les bons interlocuteurs, et emporte laffaire. Jai conservé la lettre de félicitations, datée du 6 février 1964, que jai reçue signée " Le Directeur Adjoint du Service Financier " du siège social de Péchiney rue Balzac à Paris :
" Nous nous plaisons à reconnaître que cette promesse [que vous mettriez tout en uvre ] nétait pas une simple formule commerciale et que lors de leur dernière visite à Chedde Mrs Prat et Martel ont pu constater avec quelle minutie, avec quelle conscience professionnelle vos techniciens et mécaniciens ont préparé ce démarrage qui sest effectué non seulement à la date prévue, mais également dans des conditions parfaites. Voulez-vous transmettre nos félicitations à vos collaborateurs pour leffort accompli et pour laide précieuse quils ont apportée à léquipe Péchiney de lusine de Chedde. "
Il y en avait pour tout le monde, mais dabord bien sûr pour le chef de projet dont Kampf avait joué le rôle et pris les responsabilités. Excellent commercial, excellent chef de projet, puis excellent acheteur, excellent organisateur, etc, en somme tout, plus tout ce que jai découvert après. Chedde étant située près de Saint-Gervais, les techniciens devaient être Odin, Pasquier et peut-être Gantelet, et parmi les mécaniciens il devait y avoir Igonin, chef du SEC sur mon territoire, et Chorot, en poste à Annecy, tous deux non seulement très compétents, mais de rapports particulièrement agréables.
Mais cette lettre na pas arrangé mes affaires, car Kampf, en poste avec moi depuis déjà plus de deux ans (et ce nétait pas facile pour lui non plus), devenait très impatient devant un avancement réclamé avec insistance et qui narrivait pas. Javais déjà reçu de lui une note du 17 avril 1963, à mon " attention exclusive " et dont je ne citerai rien, qui mavait fort embarrassé. Il sest alors mis activement à chercher autre chose, mais il voulait surtout être débarrassé de toute hiérarchie : je le comprenais très bien, et jessayais de ne pas le gêner mais pour cela il lui fallait se mettre au sommet de la hiérarchie : cest ce quil a finalement réalisé en 1967. Entre-temps, jai reçu de lui le 30 août 1965 une autre note, de 18 pages, intitulée " Propos sur une réforme ", qui était une critique polie mais sévère de tout ce que javais construit ou laissé aller. Il avait tout à fait raison, mais les anciens de cette époque se souviennent certainement de ce qui se passait alors, et je trouvais que je nétais ni le plus mal organisé, ni le moins performant des chefs de secteur de la Compagnie : en bref, javais assez dennuis comme ça.
A ce sujet, je vous ferai part une prochaine fois des réponses que jai mises en 1964 à un questionnaire envoyé par la Compagnie, particulièrement les " Commentaires du Chef de Secteur " en quatre paragraphes, sur la situation du secteur, sur lévolution des clients dans lannée et dans les trois années à venir, sur lévolution des problèmes et sur létat desprit du moment.
Mais auparavant, je crois que je vous raconterai, si vous avez encore de la patience, mes démêlés avec lindustrie de la chaussure dans les années 1963-1965. Fonctionnellement, les problèmes de gestion de production de la chaussure sont très proches de ceux de la confection féminine, mais mes aventures y ont été tout à fait différentes.
José BOURBOULON