Les échos dun commercial à Grenoble de 1956-1967.
Suite des épisodes précédents de José Bourboulon.
Vous rappelez-vous les " JOURNEES COMMERCIALES " ? Cétait, dans les années dont je parle, une grande manifestation réunissant une fois par an salle Jacques Callies tous les dirigeants de la compagnie, et des représentants de toutes les directions, Commerciale France, Export, Etudes, S.E.C., peut-être Fabrication, Finances Jy étais invité et jappréciais beaucoup car il y avait du monde auquel je navais jamais accès et japprenais des tas de choses sur ce que javais à vendre, et un peu sur comment le vendre. Le seul problème est que ça se déroulait après le Sicob, juste après pour que ça ne fasse quun seul voyage à Paris, mais quand même après. Or le Sicob servait à présenter aux clients toutes sortes de nouveautés, sur lesquelles je devais faire du baratin, mais personne ne mavait expliqué ces nouveautés. Et pendant les Journées Commerciales, en écoutant les différentes présentations, javais tout le loisir de réaliser les bêtises que javais racontées, et il y en avait !
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" En 1955 Bull nosait pas recruter des vendeurs et se cachait derrière un jargon technico-commercial, mais José naurait peut-être pas répondu à une annonce clairement commerciale " |
Au cours dune de ces " Journées ", Hervé Callies-Peroche, Directeur Commercial France et donc le chef de mon chef, avait déclaré à lusage de ses commerciaux de province quelque chose comme : " Quand vous venez à Paris, nhésitez pas à venir me voir, ma porte vous sera toujours ouverte ". Donc quelque temps après - je ne me souviens plus en quelle année - , devant aller à Paris et ayant très envie dune conversation avec lui, je lui demande un rendez-vous par sa secrétaire, Mademoiselle Gruson ; celle-ci pose lappareil, et revient pour me dire exactement : " Monsieur Hervé Callies vous fait dire quil na rien à vous dire ". !!! Je ne lai toujours pas digéré, et, en onze ans chez Bull, je nai jamais parlé au chef de mon chef, même pas dans la queue de lascenseur de lavenue Gambetta, car, quand jy étais, il passait toujours devant tout le monde
IV - LANNEE 1961 : LIBM 3000, LA SERIE 300, ET UN ADJOINT !
Je crois bien que cétait en 1960 - mais la " Chronologie des Evénements " du Club Histoire de la FEB nen parle pas, pas plus quelle ne parle de lIBM 1401 - quIBM annonce à grand fracas larrivée très prochaine en Europe (et en Europe seulement ?) dune nouvelle série, l " IBM 3000 ". Il sagissait dun matériel très réduit, à petites cartes de 80 colonnes aux perforations rondes, comportant seulement trois machines :
Il était davance annoncé quil ny aurait ni " interpréteuse ", ni interclasseuse, ni reproductrice, ni calculatrice, et lensemble des trois machines était annoncé à un prix de location très bas : je crois avoir encore en tête 1.740 francs (de lépoque) par mois, mais cest sûrement faux.
Quoi quil en soit, cet équipement a été retiré quelques mois après : il aurait été, disait-on, dun prix de revient très supérieur au prix de vente, et/ou peut-être lobjet ou la victime de je ne sais quelle rivalité entre IBM-US et lEurope, car on disait aussi quil aurait été fabriqué à Berlin à coups de subventions de la RFA.
Personnellement, jai appris ce retrait par un coup de téléphone à mon bureau un soir vers 19h00 du premier client à venir de lIBM 3000, Philippe Moyet, Directeur Général de la société Moyet-Perrin, que je connaissais bien : " Bourboulon, venez tout de suite me voir, cest urgent ! ". Jarrive dix minutes après, et il mannonce une catastrophe : " Je ne serai pas livré, IBM retire son matériel 3000. " En fait de catastrophe, je rentre au bureau avec les documents détude quil me confie (je regrette bien de ne pas avoir conservé le dessin de limprimé de facture, fait par IBM, avec la mention manuscrite " Modèle définitif "), et, pour être sûr que ça se sache, jenvoie chez Bull (Lyon ou Paris, je ne me souviens pas), un très long télégramme pour annoncer cette nouvelle que jignorais mais que la Compagnie connaissait peut-être, et demander un prix spécial pour cette clientèle sur les équipements TAS. Cest par ce genre de requête quest née la " TME ", TAS diminuée.
Mais Moyet-Perrin a commandé son équipement TAS, livré en 1961. Cest Jacques Lagoutte qui a fait le démarrage, en commençant par mettre cette société au bord de la faillite en agissant de telle sorte que sa filiale " La Ouatose " nait pas pu facturer pendant une durée suffisante pour la faire presque plonger et sa maison-mère avec. Par la suite, Lagoutte et les frères Moyet sont devenus les meilleurs amis du monde.
Puis, la même année, les deux autres IBM 3000 de la région ont à leur tour basculé vers notre TAS. Artru a voulu participer à la signature des Papeteries de Voiron et des Gorges, et a offert devant moi six mois de location gratuite au PDG, Jean Arnaud, qui, je lai toujours cru, nen demandait pas tant. Je ne me souviens plus qui avait fait le démarrage, peut-être Gojon.
Et ensuite les Pansements Ruby, à Voiron également.
Série 300ti |
Jai bien aimé cette phase de mon activité, mais beaucoup moins ce qui a eu trait à la sinistre " Série 300 ". Trois souvenirs sur la Série 300 : je parlerai plus tard de Valisère, mais évoquons la Trésorerie Générale et Ugine.
Cest linspecteur général des finances Aucagne, président de la commission des marchés du Ministère des Finances qui a fait la réception de la Série 300 de la Trésorerie Générale de lIsère en 1961. Comme ça se présentait mal et quil avait sûrement reçu des instructions pour signer la réception, il sest absenté pendant lopération ! Ça sest effectivement planté, et quand il est revenu il a fait semblant de croire que tout sétait bien passé.
Chez Ugine-Aciers, à Ugine en Savoie, javais fait une belle étude de Série 300 à tambour ; il ny avait pas besoin de tableaux de connexion spécifiques, donc je nen avais jamais parlé, et je croyais bien être en train de gagner contre un 1401, mais Artru a voulu y mettre son polytechnicien Lauby (jai oublié son prénom). Nous allons donc tous les deux à Ugine rencontrer MM. Fabry, chef du service informatique IBM, et de Cornulier, contrôleur de gestion avec lesquels javais déjà bien travaillé. Et voilà que mon Lauby, tout fier, déplie les feuilles des deux tableaux pour en expliquer la souplesse et les avantages ! Nous sommes repartis avec beaucoup de bonnes paroles mais IBM a gardé son client.
Cest alors que la compagnie, dans son auguste sagesse, a trouvé que la région avait un potentiel supérieur à mes capacités et a décidé de me faire aider : en septembre 1961 on mannonce larrivée dun adjoint, un nommé Serge Kampf dont jai fait la connaissance au Sicob et qui, pour mimpressionner, mavait reconduit quelque part dans Paris dans sa 404 bicolore en roulant sur les trottoirs ! Javais eu très peur et javais été très fâcheusement impressionné.
Jétais très embêté par cette intrusion, car il est très confortable dêtre seul à la tête dune équipe de remarquables techniciens sans personne pour regarder ce que lon fait :
et là, il y a eu quelquun pour regarder !
Je lai donc installé dans mon bureau (la seconde pièce de la loge de concierge), et au début nous nous sommes effectivement regardés en chiens de faïence. Cest ma femme qui a commencé à me dégeler. Car Kampf est venu à la maison faire une visite de courtoisie. Il était très timide et lest dailleurs toujours, et il était assis sur le bord dune chaise sans sinstaller. Puis après son départ ma femme mexplique à quel point ce type-là est remarquable et tout et tout et je lai regardé différemment, mais il a quand même fallu du temps !
Jusque là je croyais travailler beaucoup et bien, mais alors je me suis aperçu que, sans men apercevoir, je me mettais à en faire encore plus, et par la suite, quelques années après, Kampf ma fait une longue note très polie pour mexpliquer que je navais ni méthode ni efficacité ni politique à long terme. Je lai encore, cette note, et je la prends pour lacte de conception de ce qui a suivi en 1967, mais nous nen sommes pas encore là.
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