Rapport de la Cour des Comptes 1992
DEUXIEME PARTIE : ENTREPRISES PUBLIQUES 13. - LE GROUPE BULL La Cour a vérifié les comptes et la gestion de la Compagnie des Machines Bull, dont l'Etat détenait, en mars 1992, 75,8 % du capital, et de ses filiales jusqu'à l' exercice 1990. Elle a confirmé l'exactitude et la sincérité des comptes, mais elle a constaté que la détérioration des résultats au cours des récents exercices avait contraint le groupe Bull à mettre en œuvre un "plan de mutation" ambitieux. Cette détérioration résultait, entre autres causes, des difficultés rencontrées par la croissance externe aux Etats-Unis et d'insuffisances dans la gestion commerciale et de traitement de certaines activités en France. I. - LA DETERIORATION DES RESULTATS ET LE PLAN DE MUTATION Les comptes du groupe Bull sont devenus lourdement déficitaires Les résultats, bénéficiaires de 1986 à 1988, n'avaient jamais excédé 1,5 % du chiffre d'affaires. L'insuffisante progression de l'activité, conjuguée à la baisse des prix, conduisit en 1990 à une chute de la marge brute et à un important déficit d'exploitation. Le montant élevé des frais financiers et l'obligation de constituer une provision pour restructuration de près de 4 milliards de francs, ont porté la perte nette de l'exercice 1990 à près de 6.8 milliards. Un plan de mutation ambitieux Au dernier trimestre 1990, le groupe Bull se trouvait dans l'obligation de prendre d'urgence des mesures de redressement. Ses dirigeants adoptèrent alors un plan de mutation qui comportait à une restructuration profonde du groupe et une adaptation à ses nouveaux métiers. Il visait à permettre au groupe de retrouver l'équilibre de ses comptes en deux exercices. Plusieurs
facteurs rendaient difficile sa réalisation : selon les informations
transmises à la Cour au début de 1992, la croissance prévisionnelle du
chiffre d'affaires avait été surestimée pour le premier exercice
d'exécution. Le montant atteint en 1991 était en réalité de 33,45
milliards de francs contre 34,58 milliards en 1990 et une prévision de
35,50 milliards. La réduction des charges d'exploitation, quoique très
importante, ne permettait pas de limiter la perte nette de l'exercice
aux 2 milliards prévus. II. - LA CROISSANCE EXTERNE AUX ETATS-UNIS A une opération quasi-obligée de reprise de l'activité informatique de Honeywell réalisée en 1987 s'est ajoutée, en 1989, l'acquisition voulue de Zenith Data Systems. Cette croissance externe supposait réunis des capitaux propres pour les acquisitions et les opérations de réorganisation qui leur sont liées ainsi que la volonté et les moyens d'intégrer rapidement les nouvelles branches à l'ensemble du groupe. Bull a éprouvé de sérieuses difficultés à remplir ces conditions. L'exemple de l'opération Zenith La prise effective de contrôle de Zenith, entreprise exerçant un métier différent de celui de l'informatique traditionnelle dont Bull avait l'habitude, se révéla particulièrement difficile. Pour respecter la spécificité de l'activité micro-informatique, les dirigeants de Bull laissèrent dans un premier temps une grande autonomie aux responsables américains de Zénith. Mais il apparut rapidement que la scission avec l'ancienne maison-mère avait entraîné une profonde désorganisation des équipes. Cela rendait mal aisée la mise en œuvre des orientations stratégiques du groupe qui, prévoyant à juste titre une quasi- disparition du chiffre d'affaires réalisé avec l'administration fédérale américaine voulait se tourner au plus vite vers les marchés privés de grande consommation en renforçant le réseau de ventes indirectes. Au contraire, l'année 1990 vit aux Etats-Unis, une réduction du nombre des revendeurs de Zenith, les meilleurs d'entre eux abandonnant la marque. Aucun modèle nouveau ne fut présenté, du fait d'économies dans la recherche, qui firent perdre à l'entreprise son avance technologique. Ce n'est qu'en janvier 1991 que, l'équipe de direction aux Etats-Unis fut renouvelée, et que de nouvelles orientations furent adoptées. III. - LES FAIBLESSES DE LA GESTION COMMERCIALE Des
insuffisances dans le fonctionnement de la direction commerciale de la
principale société française du groupe, Bull SA, ont nui aux
performances de Bull sur le marché français et à l'exportation. Des
négligences et faiblesses sont apparues dans plusieurs domaines. IV. - LE CAS DE BULL CP8 : Un atout mal utilisé En mars 1984,
la Compagnie des Machines Bull a créé une filiale spécialisée dans la
carte à puce, Bull CP8. Le groupe entendait ainsi mettre en place une
structure autonome capable d'industrialiser quelques-uns des meilleurs
résultats obtenus par ses services de recherche. Son ambition était de
prendre une place importante sur un marché qui restait à créer mais que
toutes les études jugeaient porteur. Au 31 décembre 1990, le bilan était
particulièrement décevant. L'abandon par
le groupe Bull de toute ambition industrielle dans le domaine des cartes
à puce a permis aux entreprises créées de retrouver l'équilibre. Comme
il avait été bien vu à l'origine, les produits sont bons, le
savoir-faire technique est acquis et le marché est porteur. Seule avait
manqué l'aptitude à bien gérer cette activité industrielle. |